Définition de l'entrée

Par justification il faut entendre l’acte de justifier, de prouver, c’est-à-dire l’opération d’argumentation qui consiste à faire valoir le bien-fondé de quelque chose, une parole, un certain type d’énoncés ou une action.

Pour citer cet article :

Nachi, M. (2022). Justification (théorie de la) . In G. Petit, L. Blondiaux, I. Casillo, J.-M. Fourniau, G. Gourgues, S. Hayat, R. Lefebvre, S. Rui, S. Wojcik, & J. Zetlaoui-Léger (Éds.), Dictionnaire critique et interdisciplinaire de la Participation, DicoPart (2ème édition). GIS Démocratie et Participation.
https://www.dicopart.fr/justification-theorie-de-la-2022

Citer

Le terme justification est parfois connoté péjorativement ; un certain soupçon pèse sur son usage. Ainsi, pour le sens commun, se justifier, c’est ne pas se remettre en cause, recourir à des « mauvaises raisons », dégager sa responsabilité. Cependant, d’une manière générale, ce terme renvoi à l’action de justifier, de prouver un fait ou une conduite. Il s’agit d’une « action » ou d’un « procédé par lequel on se justifie ».

La justification est une forme d’argumentation mobilisée pour faire valoir un point de vue, défendre une assertion ou une action pour en montrer le bien-fondé et lui conférer une certaine légitimité. Il s’agit donc d’une activité principalement discursive visant à prouver, à « rendre raison » et, de ce fait, se veut un moyen de valorisation ou de dévalorisation de quelque chose. En tant que telle, la justification est fondée en raison mais aussi en pratique et vient souvent après – ex post – une action, un jugement, une décision, etc., pour prouver sa légitimité et assoir son acceptabilité. C’est le cas, par exemple, lorsque quelqu’un dit : les évènements ont justifié ma prise de position. D’une certaine manière, la justification est au service de la raison et de ce qui est censé être « vrai ».

Dans ce sens, il y a des connections fortes à établir entre justification et participation. Celle-ci peut être considérée comme le fait d’avoir part ou de prendre part à quelque chose, ce qui renvoie à la consultation et à la concertation. Participer, veut dire tout autant s’engager, agir, prendre l’initiative, se mobiliser (Céfaï, 2007). Mais la participation ne se réduit pas à l’intervention ou à l’engagement. Comme le montre très bien, Joëlle Zask, la participation est l’articulation de trois registres qui s’emboitent, prendre part, contribuer (apporter une part) et bénéficier (recevoir une part) (Zask, 2011), et obéissent à un impératif de justification.

La justification intervient souvent pour prouver la nécessité de la participation, faire valoir son intérêt, montrer le bien-fondé de sa procédure, de son expérimentation ou réalisations. La participation a besoin d’être justifiée pour se révéler recevable et efficiente. Justification et participation supposent une confrontation permanente entre les registres de l’énonciation ou de la formulation et le registre de l’action et de la pratique ou mise à l’épreuve. La participation est soumise à l’épreuve de justification.

Ressorts de la justification

La justification a une portée théologique qui mérite d’être relevée, mais dont le traitement ne sera pas retenu ici. Disons simplement qu’elle relève de la doctrine de la justification chrétienne et, lors de la Réforme protestante, a suscité des polémiques, à partir notamment du débat autour de l’opposition entre « justification par la foi » et « justification par les œuvres » (Lemonnyer, 1925). La justification apparait comme une forme de légitimation.

Il apparait aussi que les faits de justification se sont développés dans le champ judiciaire au point que certains n’hésitent pas à plaider pour une « théorie générale de la justification » (Roujou de Bougée, 1982). Au sens juridique, la justification est une opération visant « à prouver la conformité d’un individu ou d’un acte à la loi dont le non-respect supposé lui est reproché » (Dénes et Rameix, 2008 : 78). Elle concerne la charge de la preuve qui nécessite le recours à des documents, des témoins et des arguments vérifiables.

Plus récemment, la philosophie politique et morale et les sciences sociales se sont emparées de la question de la justification pour la problématiser et pour en faire une thématique théorique centrale de la pensée contemporaine. Ainsi, que ce soit pour justifier les principes de justice, à l’instar de Rawls, ou pour élucider le rapport entre justification et vérité dans la discussion et dans le monde vécu, comme chez Habermas – pour ne citer que ces deux exemples – la justification a pu revêtir une place centrale. En outre, il revient sans doute à la sociologie pragmatique (Nachi, 2006) le mérité d’avoir érigé l’impératif de justification au rang d’un modèle théorique : le « modèle de la justification » (Boltanski et Thévenot, 1991). En se référant à cette sociologie pragmatique, il ne serait pas faux de parler de sociologie des ordres de justification ou de pragmatique de la justification.

Justification scientifique

 En épistémologie, on fait souvent valoir la distinction, rendue célèbre par Hans Reichenbach, entre « contexte de découverte » et « contexte de justification » (Jacques, 1989 ; Jacob, 1988). Le premier englobe les différentes étapes propres à la démarche scientifique, de l’observation et l’hypothèse jusqu’à l’expérimentation et la découverte éventuelle. Il se rapporte autant à la psychologie et à l’imagination du savant qu’à sa démarche et à son propre travail d’investigation. Le second, en revanche, renvoie à un effort a posteriori consistant à prouver l’existence des faits, des raisons et donc des arguments plausibles qui donnent un fondement (rationnel) aux différents éléments constitutifs du contexte de découverte. A différents égards, comme l’écrivait W. Benjamin, « ce qui compte, ce n’est pas tellement l’ampleur et la profondeur de la connaissance, mais surtout sa justification ».

Le concept de justification, on le voit, est au cœur de la rationalité scientifique moderne, de la procédure de démonstration et, plus largement, de la théorie de la connaissance. Cependant, l’anthropologie des sciences et des techniques nous apprend que cette justification ne relève pas uniquement du champ de la science et des procédures, mais elle a aussi des implications techniques, sociales et politiques. A cet égard, elle entretient des relations directes avec la participation en tant que processus permettant l’émergence dans l’arène scientifique des problèmes et des controverses socio-techniques. Ainsi, des acteurs ordinaires peuvent-ils investir le champ scientifique et participer au processus de production des connaissances scientifiques (Callon, Lascoumes, Barthe, 2001).

En outre, sur le plan méthodologique, le choix des procédures et techniques d’investigation doit, lui aussi, faire l’objet de justifications rigoureuses. C’est que les méthodes scientifiques sont multiples et le chercheur est enjoint de prouver le bien-fondé et la pertinence de son usage d’un outil spécifique : observation participante, entretien biographique, etc. Il y a donc des justifications méthodologiques, propres à la relation d’enquête, qui s’imposent aussi bien au scientifique – l’enquêteur – qu’aux personnes impliquées dans une situation d’interview – l’enquêté. A ce propos, Michel Naepels développe une réflexion intéressante sur la place de la justification dans la relation et l’entretien ethnographiques (Naepels, 2006). Selon lui, la justification est « l’un des divers états possibles du matériau produit par l’enquête ethnographique » (Naepels, 2006 : 121).

Justification et vérité

Il n’y a pas lieu à choisir entre deux faits justificatifs dont l’un serait nécessairement vrai et l’autre totalement faux dans la mesure où tout est affaire d’argumentation, de cohérence ou de vraisemblance. Il y aurait une double exigence de cohérence : cohérence de l’auteur et cohérence de l’activité justificatrice. Ainsi, dans cette optique, le problème de la valeur de vérité de la justification ne se pose pas vraiment. Autrement dit, la visée qui sous-tend la justification n’a pas de prétention à la vérité, comme c’est le cas, par exemple, de la communication chez Habermas. Sa prétention est plutôt la légitimation en toute cohérence de ce pourquoi elle est mobilisée. C’est pour cette raison que, comme le relève Habermas, « même les énoncés qui ont été justifiés de façon convaincante peuvent se révéler faux » (Habermas, 2001 : 186).

Dans sa tentative d’explication du lien entre vérité et justification, il fait de la vérité « la valeur limite du processus de justification ». Pour lui, ce lien ne relève pas de l’épistémologie, mais de la « pratique », de l’agir. Ce qui est en jeu « n’est pas la représentation correcte de la réalité, mais une pratique qui ne doit pas s’effondrer » (Habermas, 2001 : 183). La justification consiste à corroborer des croyances, des jugements ou des actions en démontrant leur cohérence, acceptabilité et « raisonabilité ». Elle ne peut être satisfaite que par la « raison », c’est-à-dire, dans l’optique habermassienne, par des « raisons universellement ou publiquement intelligibles ». La vérité, comme correspondance, est un concept épistémique et pragmatique qui « transcende la justification et ne peut pas non plus s’identifier au concept d’assertabilité idéalement justifiée » (Habermas, 2001 : 213).

Mais où va-t-on chercher les arguments de la justification, si ce n’est « dans la langue » elle-même (Anscombre et Ducrot), ou plus exactement dans « les usages de l’argumentation » (Toulmin), dont se prévalent les interlocuteurs. L’agencement interne des arguments n’est en effet pas suffisant pour l’intelligibilité de leurs significations. Les arguments en eux-mêmes nous apprennent peu de choses sans le contexte d’usage dans lesquels ils se déploient. Il y a, par conséquent, intérêt à adopter une démarche pragmatique permettant de replacer les formes de justification dans leurs contextes de déploiement et d’intégrer, pour leur compréhension, la situation du locuteur/auteur et les dispositifs engagés dans la situation. Aussi, convient-il de tenir compte du rapport entre l’explicite et l’implicite dans la mesure où « ce qui est dit l’est en fonction de ce qui ne l’est pas parce que déjà connu » (Meyer, 1982 : 110).

Justification pratique

 Mais la notion de justification ne se réduit pas aux domaines de la science, loin de là. Elle occupe aussi une place centrale dans les champs du droit et de la morale (Günther, 1992) et, plus généralement, dans celui de la pratique ordinaire et du monde vécu. Ce sont là ses ressorts les plus répondus dans la mesure où les opérations de justification supposent des arguments, raisons et motifs visant à montrer le bien-fondé de ce qui est préconisé en référence à des principes juridiques, des convictions morales ou des considérations pratiques. Comme le souligne Chaïm Perelman : « Toute justification relève de la pratique, car elle concerne essentiellement une action ou une disposition à agir : on justifie un choix, une décision, une prétention. Ceci est vrai même lorsque, apparemment, la justification s’applique à un agent ou à une proposition » (Perelman, 1963 : 135).

En outre, la justification postule et présuppose l’existence d’une évaluation préalable et concerne ce qui est à la fois discutable et discuté. Ainsi, motivé par le désir ou la nécessité de légitimer ses dires et ses actes, le sujet (locuteur/acteur) est amené à mobiliser les justifications appropriées au contexte de leur déploiement. C’est finalement l’exigence de légitimation d’une parole, d’un comportement, d’une attitude ou d’une action qui pousse son auteur à rendre explicite le pourquoi, les raisons et les motifs, qui l’ont amené à procéder de la sorte et pas autrement.

Cette exigence ne saurait être mieux formulée que par des arguments étayés et agencés d’une façon telle que l’interlocuteur se trouve devant l’alternative suivante : ou bien adhérer à l’idée du locuteur et donc épouser ses justifications ; ou bien, le cas échéant, reconnaître la validité (vraisemblance) de ce dont il s’agit sans y adhérer. Enfin, autre cas de figure, il peut réfuter les arguments du locuteur en leur déniant toute cohérence ou validité. Dans tous les cas, la justification est une argumentation persuasive, fondée rationnellement et pragmatiquement. C’est pour cela qu’elle ne peut être envisagée qu’en situation, en tenant compte des contraintes qui pèsent sur son développement, c’est-à-dire dans le contexte pragmatique au sein duquel elle s’approprie ses significations et requiert son acceptabilité et sa légitimité.

La justification s’avère dès lors au cœur de la participation en tant que pratique sociale et politique. En effet, la participation n’est pas une simple méthode ou une procédure ; elle déborde le cadre de l’intervention et de l’engagement : il s’agit de pratiques et de représentations qui renvoient à des dispositifs et à des procédés de consultation et de concertation. Ces derniers supposent la mise en place de sites de discussion, de règles et procédures de débat qui favorisent les échanges et les actions collectives (Cefaï, 2007). Il s’agit d’associer les acteurs – individuels et collectifs – pour donner un avis, rechercher un compromis voire les impliquer dans un processus de délibération ou de prise de décision (Nachi, 2011). Ces processus de participation doivent se doter des formes de justification appropriées, légitimes, pour se réaliser dans des épreuves, des discussions et des actions communes. La justification est donc au cœur des pratiques participatives. Impératif de participation (Blondiaux, 2008) et impératif de justification s’avèrent dans une relation d’interdépendance et de complémentarité.

Contraintes de justification

L’opération de justification vise, in fine, à construire une cohérence argumentative permettant de faire valoir la légitimité d’une action, un point de vue, un jugement ou une décision. Pour ce faire, elle nécessite le respect des exigences de validité qui entourent toute forme de justification et d’argumentation, ce que Boltanski et Thévenot appellent « contrainte de justification ». Les personnes s’y trouvent soumissent parce qu’elles sont mises à l’épreuve de la critique (Boltanski et Thévenot, 1991 : 289-90). Ainsi, justification et critique sont subordonnées dans la mesure où la justification « trouve son principe dans la nécessité de répondre à la critique » (Boltanski, 1990 : 62).

Les contraintes de justification sont multiples : certaines, internes, liés à la cohérence, l’acceptabilité des arguments et les appuis normatifs qui nourrissent le discours – en référence à des principes juridiques et moraux ou à des conventions sociales – d’autres, externes, en rapport avec le contexte, la situation et les dispositifs sur lesquels s’appuie les justifications.

Dans les formes de justification se dévoilent certains traits fondamentaux de la conduite humaine ou, pour ainsi dire, un mode d’existence et d’agir du sujet, en tant qu’elles concernent « une attitude, une disposition à croire, une prétention à savoir » (Perelman, 1963). Il s’ensuit que les conduites, opinions, convictions, croyances ou représentations trouvent dans la justification les modalités pragmatiques de leur mise à l’épreuve du réel, ce qui permet d’expliciter, de faire ressortir les raisons d’y adhérer ou non.

Se révèle ainsi une dimension essentielle propre à toute forme justification : sa réflexivité en tant qu’elle constitue un retour ex post sur l’opinion ou l’action que le sujet se donne le soin de défendre ou de légitimer. La justification est au service de la raison mais pas seulement, car d’autres dimensions (affectuel, émotionnel, pratique, etc.) du discours et de l’agir humains ont aussi besoin de justifications pour s’accomplir. En tant qu’elle vise à rapporter des actions déjà accomplies ou des attitudes déjà exprimées à un système de règles ou de valeurs et à des conventions sociales, la justification peut être considérée comme « l’idiome du discours persuasif ex post factum » (Oakeshott, 1995).

Cependant, à la différence d’Oakeshott qui pense que le recours à la justification fait perdre aux réactions des agents leur caractère opératoire, leur vitalité et sincérité, il convient de considérer que ce recours n’altère en rien la nature des conduites humaines. A certains égards, l’argument de Rawls au sujet de la justification est plus nuancé (Spitz, 1988). En outre, la justification n’est pas toujours synonyme de calcul, de stratégie ou de rationalisation dans la mesure où elle peut revêtir des formes multiples : rationnelles mais aussi morales, émotionnelles, pragmatiques.

Pragmatique de la justification

La sociologie pragmatique est un « style » sociologique dont la particularité est d’avoir thématisé la question de la justification pour en faire la matrice de base du modèle des économies de la grandeur (Boltanski et Thévenot, 1991). Ce modèle est l’un des rares modèles sociologiques à prendre au sérieux l’impératif de justification et à proposer une conceptualisation rigoureuse à partir d’un tel impératif. Pour accomplir convenablement leurs actions, les personnes sont confrontées à des épreuves de justification (Boltanski et Thévenot, 1991 : 54).

Erigé en véritable concept d’analyse sociologique, la justification a gagné sa place dans différents domaines des sciences humaines et sociales. En prenant au sérieux l’impératif de justification, la sociologie pragmatique a pu poser les bases d’une sociologie morale susceptible de faire émerger les compétences des personnes à juger, à agir et à justifier. Les travaux développés dans le sillage de cette sociologie ont redonné à la justification ses lettres de noblesse, lui conférant une certaine envergure théorique.

En effet, l’un des mérites de ce modèle sociologique est d’avoir construit un cadre commun pour plusieurs ordres de justification, considérant qu’aucune société ne possède de système unique de justification. Ainsi, l’idée de base est qu’il existe une pluralité des formes de justification que les acteurs déploient pour argumenter en faveur d’un jugement ou d’une action et, généralement, pour faire face à la critique et appuyer leur sens de la justice (Nachi, 2017). Le régime de justice est le plus concerné justement parce qu’il est fondé sur un impératif de justification. Comme le relève L. Thévenot, les personnes engagées dans des justifications « s’expliquent sur leurs évaluations, et les arguments rattachés à la situation sont soumis à une exigence de généralisation » (Thévenot, 1996 : 789). Il s’agit par ailleurs d’une approche qui valorise l’entrée par le jugement en situation, c’est-à-dire le fait d’appréhender les justifications des personnes à partir des formes d’évaluation et de qualification qu’elles posent à même les circonstances, dans le contexte d’une action en situation. Il existe ainsi une pluralité d’ordres de justification, chaque ordre possède son propre univers d’argumentation et ses contraintes de justification (Nachi, 2006).

Cependant, les formes de justification ne relèvent pas de l’ordre du discours uniquement, ne s’appuient pas exclusivement sur des arguments formels, aussi pertinents soient-ils, mais elles se réfèrent également à des équipements, des objets et des dispositifs appropriés qui les soutiennent et leur confèrent un ancrage dans un monde réel. Cela constitue à la fois une modalité d’ajustement à la situation, pour en révéler la justesse, et une contrainte qui pèse sur les justifications. En introduisant le monde des objets et les dispositifs, on est mieux à même de saisir la portée de la mise en valeur des opérations de justification. Celles-ci débordent le cadre du discours et a fortiori celui de l’action. De fait, leur intelligibilité ne peut s’en tenir à l’analyse des actes de parole et des arguments, même si elle inclut le contexte et la situation dans lesquels s’opère leur mobilisation. C’est une condition nécessaire mais non suffisante dans la mesure où tout énoncé « peut prendre appui sur un monde différent pour faire preuve » (Boltanski et Thévenot, 1991). Il faut par conséquent solliciter le concours des dispositifs, des objets, c’est-à-dire le monde et ses équipements pragmatiques (Conein, Dodier, Thévenot, 1993).

 La sociologie pragmatique est une sociologie de l’accord et du désaccord. Son ambition est de scruter les processus de formation de l’accord à partir de la participation des acteurs à des actions communes. Dans ce sens, elle est aussi une sociologie de la participation en acte, en situation, dans la mesure où la participation soumet le désaccord et la dispute à un processus collectif de délibération, de jugement et d’action concertée pour résoudre des désaccords et parvenir à un accord de compromis (Nachi, 2011). Dans la participation, les concertations, actions, décisions et délibération ne sont pas délégués à des instances de représentation, mais sont définies, déterminées et pris en charge directement par les acteurs eux-mêmes, dont ils sont à la fois les initiateurs, les pourvoyeurs et les bénéficiaires. C’est pourquoi la participation se veut un dépassement des limites de la délégation et de la représentation. Elle confère ainsi aux acteurs les compétences requises pour coordonner leurs actions et agir en commun (Zask, 2011 : 59).

Bibliographie

Blondiaux, Loïc. 2008. Le nouvel esprit de la démocratie. Actualité de la démocratie participative. Paris. Seuil.

Boltanski, Luc. 1990. L’amour et la justice comme compétences, Paris, Métailié.

Boltanski, Luc. 2002. « Nécessité et justification », Revue économique, 53 (2), p. 275-289.

Boltanski, Luc et Laurent Thévenot. 1991. De la justification. Les économies de la grandeur, Paris, Gallimard.

Callon Michel, Lascoumes Pierre, Barthe Yannick. 2001. Agir dans un monde incertain. Essai sur la démocratie technique, Paris, Seuil.

Cefaï Daniel. 2007. Pourquoi se mobilise-t-on ? Les théories de l’action collective, Paris, La Découverte, (coll. « Bibliothèque du MAUSS »).

Conein Bernard, Dodier Nicolas, Thévenot Laurent (dirs.). 1993. Les objets dans l’action, Raisons pratiques, 4, Paris Éditions de l’EHESS.

Günther, Klaus. 1992. « Justification et application universalistes de la norme en droit et en morale », Archives de philosophie de droit, XXXVII, p. 269-302.

Habermas, Jürgen. 2001. Vérité et justification, Paris, Gallimard.

Harai Dénes et Solange Rameix. 2008. « La justification. Approches et enjeux historiographiques », Hypothèses, 11 (1), p. 75-86.

Jacob Pierre. 1988. « Justification éthique et justification scientifique », in Recanati, F. (dir.), L’âge de la science, lectures philosophiques I : éthique et philosophie politique, Paris, O. Jacob, p. 215-234.

Jacques Francis. 1989. « Contexte de justification et contexte de découverte : une réévaluation », in Colloque de Cerisy, Karl Popper et la science d’aujourd’hui, Paris, Aubier, p. 63-91.

Lemonnyer Antoine. 1925. « Justification », in Dictionnaire de théologie catholique, tome VIII, 2me partie, Paris, Librairie Letouzey et Ané, p. 2042-2077.

Meyer Michel. 1982. Logique, langage et argumentation, Paris, Hachette.

Nachi, Mohamed. 2006. Introduction à la sociologie pragmatique. Vers un nouveau style sociologique, (« Préface » de Luc Boltanski), Paris, Armand Colin.

Nachi, Mohamed. (éd.). 2011. Actualité du compromis. La construction politique de la différence, Paris, Armand Colin.

Nachi, Mohamed. 2017. Le Sens de la justice. Exploration sociologique d’histoires d’injustices en Tunisie et en France, Paris, Les points sur les i.

Naepels, Michel. 2006. « Note sur la justification dans la relation ethnographique », Genèses, No. 64 (sept.), p. 110-123.

Oakeshott Michaël. 1995. De la conduite humaine, Paris, PUF.

Offenstadt Nicolas. 2008. « Pragmatisme et justification. Regards historiens », Hypothèses, 11 (1), p. 137-140.

Perelman Chaïm. 1963. « Jugement de valeur, justification et argumentation », Revue international de philosophie, 58 (4), 1961 ; repris in Ch. Perelman, Justice et raison, Bruxelles, Presses Universitaire de Bruxelles.

Roujou de Boubée Marie-Ève. 1982. « Esquisse d’une théorie générale de la justification », Annales de l’Université des sciences sociales de Toulouse, 30, p. 11-25.

Spitz Jean-Fabien. 1988. « La justification rationnelle des théories politiques : le problème de la justification dans la Théorie de la justice de John Rawls », Hermès, I, p. 86-109.

Thévenot, Laurent. 1996. « Justification. Justification et compromis », in Canto-Sperber, M. (dir.), Dictionnaire d’éthique et de philosophie morale, Paris, PUF, p. 789-794.

Zask Joël. 2011. Participer. Essai sur les formes démocratiques de la participation, Paris, Le Bord de l’eau.

Sur le même sujet

Publié en novembre 2022

Consensus/Dissensus

Une double polarité Dans le langage ordinaire et savant de la participation publique, le couple consensus/dissensus fait l’objet d’usages ambivalents : « consensus » désigne indifféremment l’accord conclu, la…
Publié en novembre 2022
Innovations démocratiques
Pouvoirs citoyens et mouvements sociaux

Délibération collective

L’intérêt pour la délibération collective est récent. Il découle assez strictement d’une nouvelle ligne de réflexion sur la démocratie apparue au milieu des années 1980. À l’encontre de l’emprise d’une conception…
Publié en novembre 2022

Dialogisme

« Dialogique » : un point aveugle ? Reçu sous diverses formes en philosophie du langage, linguistique et anthropologie de la communication où il a acquis la portée d’un principe, le concept de dialogisme semble…