Définition de l'entrée

La démocratie délibérative constitue un modèle théorique, un idéal démocratique et un paradigme à la fois épistémologique et évaluatif, fondé sur le concept de délibération. Ce concept est entendu dans le sens d’une phase précédant la décision, et non comme un espace de décision en tant que tel : la délibération est un processus dialogique qui s’appuie sur le fait d’apporter ou de recueillir des motifs de légitimation ou de rejet d’une décision concrète. Une délibération est démocratique dans la mesure où elle est inclusive, c’est-à-dire qu’elle doit inclure à travers une certaine forme de représentation (directe ou indirecte) toutes les personnes qui ont quelque chose à dire, et qui ont le droit de l’exprimer, sur une question d’intérêt public.

Pour citer cet article :

Floridia, A. (2022). Histoire de la démocratie délibérative. In G. Petit, L. Blondiaux, I. Casillo, J.-M. Fourniau, G. Gourgues, S. Hayat, R. Lefebvre, S. Rui, S. Wojcik, & J. Zetlaoui-Léger (Éds.), Dictionnaire critique et interdisciplinaire de la Participation, DicoPart (2ème édition). GIS Démocratie et Participation.
https://www.dicopart.fr/histoire-de-la-democratie-deliberative-2022

Citer

DÉLIBÉRATION ET DÉMOCRATIE DÉLIBÉRATIVE : DÉFINITIONS

La délibération désigne le processus discursif qui consiste à évaluer les avantages et les inconvénients de solutions potentielles à un problème. Ce processus implique de chercher et de défendre des raisons présidant à un choix pragmatique, tout en critiquant celles jugées peu convaincantes, mais également d’exprimer son accord avec les arguments persuasifs et d’écarter ceux qui ne le sont pas. Délibérer revient à élaborer un jugement pondéré sur ce qui est bon et ce qui est mauvais, bien et mal, et non sur ce qui est vrai ou faux. Une délibération aboutit au fait d’être convaincu de quelque chose, et non pas à une démonstration de cette chose.

La délibération publique repose sur le postulat que nos opinions et nos jugements ne sont pas figés et inaltérables, mais qu’ils se forment et se transforment par le biais du dialogue et de la communication, en écoutant les avis des autres et en évaluant leur pertinence.

La délibération publique a un également un caractère démocratique si elle est conçue comme un processus inclusif permettant la formation discursive des idées, des opinions et des volontés des citoyennes et citoyens, et au sein duquel ces derniers sont libres et égaux.

HISTOIRE DE LA DÉMOCRATIE DÉLIBÉRATIVE

L’histoire de la démocratie délibérative est loin d’être linéaire, dans la mesure où elle ne peut être appréhendée comme la constitution d’un corpus doctrinal qui aurait été rassemblé par différents penseurs et penseuses. L’origine et les prémisses du « tournant délibératif » (Dryzek, 2002), qui peuvent être situées autour des années 1980 à 1993, sont l’aboutissement d’un processus complexe au cours duquel différents éléments conceptuels ont progressivement été élaborés et retravaillés. Le nouveau champ théorique de la démocratie délibérative s’est construit en empruntant à plusieurs approches théoriques et disciplinaires indépendantes. En outre, la démocratie délibérative ne se limite pas à un modèle idéal ou théorique : dès l’origine, celle-ci comportait des implications pragmatiques délibérées, inspirant de nombreux dispositifs institutionnels ou d’autres formes de participation.

Le champ délibératif a notamment connu cinq phases différentes qui peuvent être distinguées comme suit :

  1. une phase de transition et d’innovation théorique par rapport aux modèles de démocratie participative qui caractérisaient les années soixante et soixante-dix – ce dont reflète tout particulièrement l’ouvrage de Jane Mansbridge (1980) ;
  2. les premiers travaux de formulation et de préfiguration, remontant au début des années quatre-vingt, furent principalement marqués par un certain nombre d’universitaires spécialistes des institutions et de la Constitution américaine : Bessette (1980), Sunstein (1984), Michelman (1986), Ackerman (1984) ;
  3. la phase constitutive à proprement parler fut mise en œuvre vers la fin des années quatre-vingt, avec la publication de textes fondamentaux du nouveau modèle théorique : Elster (1986), Manin (1985) et Cohen (1989).
  4. la phrase d’articulation d’un champ « délibératif » et son chevauchement avec d’autres traditions intellectuelles : cette période qui date du début des années quatre-vingt-dix, fut marquée par les apports de la théorie politique et des sciences politiques, notamment de James Fishkin (1991) et John Dryzek (1990). Le travail de Fishkin a ainsi contribué à ce que les principes de la démocratie délibérative deviennent une source d’inspiration pour un dispositif participatif spécifique : le Deliberative Polling ou sondage délibératif ;
  5. la consolidation des fondements philosophiques de la démocratie délibérative, grâce surtout aux contributions de Jürgen Habermas et de John Rawls, avec leurs ouvrages marquants publiés respectivement en 1992 et 1993 : Faktizität und Geltung (Habermas, 1997) et Political Liberalism (Rawls, 1995).

LA PHASE CONSTITUTIVE DU CHAMP THÉORIQUE DE LA DÉLIBÉRATION

L’ouvrage de Jane Mansbridge (1980) a incarné l’ouverture d’une phase de réflexion critique sur les idées et pratiques des démocraties participatives des années soixante et soixante-dix (Paterman, 1970). Bien que Mansbridge n’ait pas utilisé les termes de « démocratie délibérative », elle a proposé, à partir de son analyse de deux expériences concrètes de démocratie participative, une nouvelle dualité de catégories théoriques (démocratie unitaire / démocratie adversariale) permettant de dépasser les oppositions conceptuelles classiques (tout particulièrement celle entre démocratie directe et démocratie représentative). Mansbridge a également mis en évidence la distinction entre les dimensions agrégative et transformative des procédures de prise de décision démocratiques, ainsi que la distinction entre le fait de comptabiliser les avis et de les discuter afin d’aboutir à un consensus. En outre, le travail de Mansbridge a contribué à formuler un certain nombre de problématiques amenées à devenir essentielles par la suite : l’échelle de la délibération, les coûts et les avantages de la participation ; l’équilibre ou le déséquilibre entre participants en termes de ressources cognitives ; l’exclusion des groupes sociaux les plus pauvres et les plus marginalisés ; la qualité des interactions dans les discussions ; ou encore les dynamiques de polarisation dans des configurations de rapport en face-à-face.

On considère aujourd’hui que la première mention du terme de « démocratie délibérative » est due à Joseph M. Bessette, spécialiste des institutions américaines (1980). La notion de démocratie délibérative, telle que définie par Bessette, est apparue au cours de débats très animés portant sur l’interprétation de la Constitution américaine, sur la vision de la démocratie qu’elle incarne et sur les mécanismes des institutions américaines.

L’alternative, qui devint par la suite essentielle dans la définition du nouveau paradigme théorique de la démocratie délibérative, avait déjà été esquissée par différents auteurs. À l’idée d’une démocratie fondée sur l’agrégation de préférences exogènes données, dont le caractère privé repose sur les intérêts de chaque individu, était opposée celle d’une démocratie fondée sur la transformation de ces préférences, définies et formées de manière aussi réflexive que possible par le biais de la discussion publique. Trois essais (Elster, 1986 ; Manin, 1985-1987 ; Cohen, 1989) peuvent être considérés comme les textes fondateurs de la démocratie délibérative, établissant les frontières critiques du nouveau modèle théorique.

L’essai d’Elster, Le Marché et le forum. Trois variétés de théorie politique (2010 ; 1986 pour l’édition originale), s’inscrivait dans la lignée de ses recherches, consistant en une relecture critique des modèles canoniques de la théorie des choix rationnels. Un des points essentiels de cette démarche fut la remise en cause de la notion de préférence déclarée ou révélée et la construction de nouveaux modèles définissant la manière dont les préférences se forment, se transforment et/ou comment elles s’adaptent. Cet essai a introduit des notions théoriques et conceptuelles essentielles, qui ont exercé une influence notable sur les évolutions ultérieures du modèle délibératif : notamment l’opposition entre la logique du forum et celle du marché, autrement dit entre « la politique comme agrégation des préférences données et la politique comme transformation des préférences par le biais de la discussion rationnelle » (2010).

La thèse formulée dans l’ouvrage de Manin était que la base de la légitimité démocratique n’était pas la volonté générale, mais la délibération de tous et toutes : « la décision légitime n’est pas la volonté de tous, mais celle qui résulte de la délibération de tous ; c’est le processus de formation des volontés qui confère sa légitimité au résultat, non les volontés déjà formées » (Manin, 1987, 83).

La conception de la délibération de Manin était très ouvertement inspirée par Aristote : un jugement éclairé sur ce qui semble bon ou mauvais – et non sur ce qui est vrai ou faux –, un échange d’arguments autour des raisons présidant à un choix pragmatique, un processus rationnel d’acquisition de connaissances et une clarification des préférences de chaque personne.

Joshua Cohen a emprunté des catégories conceptuelles essentielles de la pensée de John Rawls : le projet de Cohen partait en effet à l’origine d’une réflexion sur les implications de la philosophie politique de Rawls pour la théorie démocratique. À ce titre, il serait possible de considérer que ce qu’avançait Cohen n’était autre qu’une tentative pour transposer une démarche théorique propre à Rawls en une définition d’un modèle idéal de la démocratie délibérative.

Si Rawls définit une société juste comme fondée sur un système équitable de coopération entre des citoyennes et citoyens libres et égaux, pour Cohen il s’agit avant tout d’une société au sein de laquelle les procédures de décision sont délibératives et démocratiques. De telles procédures sont délibératives dans la mesure où elles sont fondées sur l’échange réciproque d’arguments : autrement dit sur la discussion publique entre des citoyennes et citoyens libres et égaux se conduisant mutuellement avec respect et s’engageant à justifier leur position face aux autres. Elles sont également démocratiques dès lors qu’elles sont pleinement inclusives et égalitaires. Par conséquent, il s’agit de procédures délibératives et démocratiques qui donnent lieu à des décisions légitimes.

Ce modèle théorique de la démocratie délibérative établi par Cohen a exercé une influence profonde et favorisé une forte tendance idéaliste dans les élaborations ultérieures d’une certaine partie du champ théorique de la démocratie délibérative. Tandis qu’Elster évoquait avant tout un modèle politique inspiré par l’idéal de la délibération, et que Manin invitait à prendre sa propre théorie de la délibération politique comme fondement de la légitimité démocratique, Cohen proposait de partir de sa vision de la démocratie délibérative afin de l’ériger en un idéal démocratique, en faisant d’une procédure de délibération idéale le cœur son modèle théorique normatif.

LES RÔLES DE RAWLS ET D’HABERMAS

Rawls et Habermas sont généralement considérés comme les pères spirituels de la démocratie délibérative. Cependant d’un point de vue historique cette filiation est en réalité plus complexe. Rawls et Habermas ont effectivement joué un rôle décisif – chacun à leur manière – dans l’élaboration du modèle de la démocratie délibérative, étant notamment à l’origine de termes, de catégories et de concepts qui ont été mobilisés par d’autres auteurs et autrices dans leurs travaux. Dans un premier temps, leur travail constituait cependant plutôt une sorte de toile de fond.

C’est en travaillant sur leurs propres recherches théoriques et philosophiques que Rawls et Habermas sont parvenus à l’idée de démocratie délibérative. Par la suite, leurs ouvrages marquants publiés au début des années quatre-vingt-dix, Faktizität und Geltung (1992) [Droit et démocratie, 1997] et Political Liberalism (1993) [Libéralisme politique, 1995], ont directement contribué – de diverses manières – à parfaire et à établir les fondements théoriques de l’idée de démocratie (Floridia, 2017).

Malgré cela, il serait erroné d’envisager l’influence d’Habermas et de Rawls sur d’autres travaux au sens étroit d’une école dont les penseurs et penseuses auraient docilement reproduit la leçon de leurs maîtres. Si les travaux de nombreux auteurs et autrices se sont inscrits à l’intérieur du cadre conceptuel proposé par Rawls (Guttman-Thompson, 1996) et par Habermas (Benhabib, 1996 ; Chambers, 1996 ; Steiner, 2012), ceux-ci ont également témoigné de développements qui leur sont propres. De plus, d’autres travaux rapidement apparus par la suite ont exposé une vision de la démocratie délibérative inspirée par d’autres pensées et traditions philosophiques, notamment du pragmatisme américain (Bohman, 1996), ou empruntant à des présupposés philosophiques originaux (Estlund, 2008).

***

Cet article retrace l’histoire du champ théorique de la démocratie délibérative, de ses origines jusqu’au début des années 90. Depuis, ce champ s’est largement développé, exerçant une profonde influence sur l’étude de la démocratie jusqu’à aujourd’hui (Bächtiger et al., 2018).

Cependant, une question demeure en suspens. Quelles sont les raisons historiques qui peuvent expliquer le succès de la théorie délibérative ? Les théories délibératives se sont avérées être en mesure de proposer une alternative crédible et cohérente pour celles et ceux qui réfléchissent sur la nature de la démocratie contemporaine et qui sont particulièrement préoccupés par son avenir.

C’est ainsi que la démocratie délibérative est mobilisée en réponse à tous les points de vue qui ont en commun le fait de rejeter toute médiation. Une conception délibérative de la démocratie s’oppose à toutes les pratiques et points de vue dominants (tels que ceux fondés sur une vision élitiste et compétitive, ou encore plébiscitaire de la démocratie), mais elle se distingue également d’autres modèles rivaux. Parmi ces derniers, se trouvent notamment les différents modèles qui tentent de renouveler les formes de la démocratie directe, et s’appuient – ou en tout cas postulent qu’il est possible de s’appuyer – sur l’immense potentiel des nouvelles technologies de l’information et de la communication. Cela inclut, entre autres, les modèles gouvernementaux ou les styles politiques comportant des traits plus ou moins populistes, tout autant que les visions technocratiques, selon lesquelles il n’est plus nécessaire qu’un problème soit publiquement discuté puisque leur objectif est purement d’aboutir à la solution technique correcte et univoque, exigeant ainsi exclusivement de trouver les spécialistes appropriés ou le personnel politique le plus fiable.

À l’inverse, la démocratie délibérative propose une vision de la démocratie et des procédures qui y sont attachées dans laquelle la légitimité démocratique des décisions publiques ne repose pas uniquement sur la seule logique de la rationalité stratégique et sur les rapports de force. Elle repose plutôt sur la rationalité communicationnelle et sur les conditions que celle-ci implique nécessairement : c’est-à-dire sur la possibilité même d’un dialogue rationnel, d’une reconnaissance mutuelle entre personnes différentes. L’important n’est pas la certitude qu’un tel dialogue puisse systématiquement aboutir à un accord ou à un consensus, mais avant tout de savoir que s’en passer, ou qu’y renoncer par principe, risque de mener à une politique fondée sur l’antagonisme délétère entre amis et ennemis. Sans cette tension positive, emblématique de la politique délibérative, il ne paraît pas possible que les conflits puissent être gouvernés et pleinement compris, qu’ils puissent être envisagés de manière productive, ou faire l’objet d’une médiation considérées par tous et toutes comme légitime.

 

Version anglaise originale

Traduction par Pierre Girard. Révision par Jac Capra.

Deliberative Democracy is a theoretical model, an ideal of democracy, and an epistemological-evaluative paradigm that is based on the concept of deliberation. This concept is to be understood as the phase that precedes a decision, not the decision itself: deliberation is a dialogic process based on giving or receiving reasons to justify or reject a practical decision. A deliberation is democratic insofar as it is inclusive meaning that is must include through some form of representation (either direct or indirect) all parties that have something to say and the right to say it, pertaining to a public matter.

Deliberation and Deliberative Democracy: Definitions

Deliberation is the discursive process by which the pros and cons of potential solutions to a problem are weighed. This is accomplished by finding and supporting the reasons for a practical choice while criticising an unconvincing one, or by acknowledging persuasive arguments and rejecting those that are not. To deliberate means to arrive at a judgment on what is right or wrong, good or bad, but not on what is true or false. A deliberation leads to being convinced of something, not to the demonstration of something.Public deliberation rests on an assumption that our opinions and judgments are static and unchangeable, but are formed and transformed through dialogue, communication or by listening to other people’s views and assessing them. Public deliberation can be considered democratic if it is configured as an inclusive process of the discursive formation of citizens’ ideas, opinions and wills; where citizens are free and equal.

The History of Deliberative Democracy

The history of deliberative democracy is far from linear. It cannot be seen as the process of a doctrinal corpus that some thinkers put together. The origins and the early phase of the deliberative turn (Dryzek, 2002), which can be traced to the years between 1980 and 1993, was the result of a complex process in which different conceptual elements were gradually elaborated and reworked. The, then, new field of deliberative democracy was constructed through the work of several independent theoretical and disciplinary approaches. Moreover, deliberative democracy is not only an ideal or a theoretical model. From the very beginning it has contained a conscious practical projection by inspiring many institutional devices or forms of participation. In particular, the deliberative field came about in five different stages:

  1. A phase of transition and theoretical innovation compared to the models of participatory democracy that characterized the sixties and seventies. This is best expressed in Jane Mansbridge’s work (1980; b) First appearing in the early eighties, the first formulations and insights were marked by scholars from American institutions and Constitution (Besette, 1980; Sunsttein, 1984; Michelman, 1986; Ackerman, 1984).
  2. The constituent phase was established in the late eighties with the publication of foundational texts of the new theoretical model (Elster, 1986; Manin, 1985; Cohen, 1989)..
  3. The articulation of a deliberative field and its overlapping with other intellectual traditions. This period started in the early nineties, with the work of James Fishkin (1991) and John Dryzek (1990) in the fields of political theory and political science. Thanks to Fishkin in particular, the principles of deliberative democracy become, for the first time, a source of inspiration for a specific participatory device: deliberative polling.
  4. The consolidation of the philosophical foundations of deliberative democracy, mainly thanks to Jürgen Habermas and John Rawls (1992; 1993).

The Constituent Phase of the Deliberative Theoretical Field

Jane Mansbridge’s work (1980) marked the opening of a phase of critical reflection about the ideas and practices of participatory democracies, in the sixties and seventies (Pateman, 1970). While Mansbridge did not speak directly about deliberative democracy— instead starting from an analysis of two concrete experiences of participatory democracy—she did propose a new pair of theoretical categories (unitary vs. adversary democracy) that went beyond the traditional conceptual oppositions (i.e. direct democracy and representative democracy). Mansbridge highlighted primarily the distinction between the aggregative and transformative dimensions of democratic decision-making procedures, between counting preferences and discussing preferences in order to achieve consensus. Moreover, Mansbridge’s work helped formulate some of the issues that became crucial to the discussion of deliberative democracy: the scale of deliberation, the costs and benefits of participation, symmetries or asymmetries in the participants’ cognitive resources, the exclusion of the poorest and most marginal social groups, the quality of dialogical interactions, and polarised dynamics within a setting based on a face-to-face relations.

The first occurrence of the term deliberative democracy appears in Joseph M. Bessette’s text ‘Deliberative democracy: the majority principle in republican government’, (1980). The idea of deliberative democracy according to Bessette was born within a heated debate on the interpretations of the American Constitution, the view of democracy it embodies, and American institutional mechanisms.

The alternative, that would later be crucial in defining the new theoretical paradigm of deliberative democracy, had already been outlined in different forms by various authors. An idea of democracy based on the aggregation of given, exogenous preferences, privately defined on the basis of individual interests, was opposed to the idea of democracy based on the transformation of these preferences, defined and formed instead through public debate. However, three essays (Elster, 1986; Manin, 1985; Cohen, 1989) can be considered the founding texts of deliberative democracy, setting out the critical frontiers of new theoretical model.

Elster’s essay, The Market and the Forum: Three Varieties of Political Theory (1986) was published in line with his research concerning a critical review of the canonical models of rational choice theory. In this vein of research, one of the crucial points was the criticism towards the notion of expressed or revealed preferences as well as the construction of new models of formation, transformation, and/or adaptation of these preferences. This essay presented theoretical and conceptual cores which influenced heavily the subsequent evolution of the deliberative model. More specifically, the contrast between the logic of the forum and that of the market; the contrast between “politics as the aggregation of given preferences and politics as the transformation of preferences through rational discussion” (1997: 4).

Manin’s essay proposed that the foundation of democratic legitimacy is not the general will, but the deliberation of all: “the source of democratic legitimacy is not unanimous agreement, but a deliberative process to which everyone has the right to participate. The source of legitimacy is not the predetermined will of individuals, but rather the process of its formation, that is, deliberation itself” (Manin, 1987:352).

Manin’s conception of deliberation was openly inspired by Aristotle: a considered judgment of what seems right or wrong rather than true or false, an exchange of arguments about the reasons for a practical choice, a rational process of acquisition of information, and the clarification of one’s preferences.

Joshua Cohen took John Rawls as his main reference point. Cohen’s theoretical project starts with a departure from the implications of Rawls’s political philosophy on democratic theory. In fact, one could define Cohen’s proposal as an attempt to transpose a typically Rawlsian theoretical strategy into the definition of an ideal model of deliberative democracy.

If a just society, for Rawls, is one in which there is a fair system of cooperation between free and equal citizens, a society thus conceived, for Cohen, is mainly one in which the very decision-making procedures are deliberative and democratic. Such procedures are deliberative as they are founded by mutual reason-giving. This can be accomplished by the public exchange of reasons between free and equal citizen treating each other with respect and committing to justifying their judgments to others. They are democratic insofar as they are fully inclusive and egalitarian. Therefore, they are deliberative and democratic procedures which, produce legitimate decisions.

This theoretical foundation of deliberative democracy proposed by Cohen influenced greatly the strong idealizing trend in the subsequent elaborations of the theoretical field of deliberative democracy. While Elster still spoke of a model of politics inspired by the ideal of deliberation, and while Manin proposed his own theory of political deliberation as the foundation of democratic legitimacy, Cohen offered his own view of deliberative democracy as a democratic ideal and an ideal deliberative procedure as the most important components of this ideal model.

The Roles Played by Rawls and Habermas

Rawls and Habermas are usually considered the inspiring fathers of deliberative democracy. However, from a historical standpoint, things are a lot less straightforward. While Rawls and Habermas, albeit in different ways, did play a decisive role in the construction of the theoretical model of deliberative democracy, their work only laid the foreground. Rather than outright define deliberative democracy. They instead offered reference terms, categories,and concepts upon which other authors have expanded.

Habermas and Rawls came across the idea of deliberative democracy while working on their own relative theoretical and philosophical projects. Their works of the early nineties, Faktizität und Geltung and Political Liberalism respectively, directly contributed to completing and establishing the theoretical foundation of this idea of democracy (Floridia, 2017).

Despite this, it would be misleading to consider Habermas’s and Rawls’s influence over other thinkers in the narrow terms of a school that passively reproduces the teachers’ lessons. Many authors worked within the theoretical framework offered by Rawls (Guttman and Thompson, 1996). and Habermas (Benhabib, 1996; Chambers, 1996; Steiner, 2012), but developed them in original ways. Soon after, works were published that openly proposed a vision of deliberative democracy inspired by other traditions of philosophical thought. Some prominent examples are seen as being inspired by American pragmatism (Bohman, 1996) and original philosophical assumptions (Estlund, 2008).

***

This article retraces the origins and the early stages of the theoretical deliberative field up to the early nineties. Since then, the deliberative field has much expanded, significantly influencing the democratic thought of our age (Bächtiger et al., 2018).

However, a question remains to be answered: What historical reasons can we find to explain the success of deliberative theory? Deliberative theories turned out to be capable of offering a credible and coherent alternative for all those who are concerned about the nature of contemporary democracy and deeply worried about its future.

Deliberative democracy is opposed to any view that implies a rejection of mediation. A deliberative conception of democracy opposes all dominant practices and views (such as those founded on an elitist-competitive, or on plebiscitarian view of democracy), as well as those promoted by rival theories.. Among these are models that propose and reinterpret a version of direct democracy that takes advantage of the great potential of new information and communication technologies. These can include governmental models or political styles characterised by more or less populist traits, technocratic visions, according to which a public discussion of problems is no longer necessary. These populist and technocratic visions are difficult to defend as they propose that one should rely solely on finding a correct and univocal technical solutions, for which it suffices to find the suitable specialists or a more reliable politicians.

In contrast to these conceptions, deliberative de006Docracy offers a vision of democracy and its procedures in which the democratic legitimacy of public decisions is not entrusted to the mere logic of strategic rationality and relations of strength and power. Rather, it is entrusted to communicative rationality and the very possibility of a rational dialogue, of a mutual recognition between different people. What matters is not the certainty that such a dialogue can always produce agreement or consensus but rather the knowledge that living without it, or abandoning it in principle, might lead to a politics solely based on irreducible antagonism between friends and foes. Without such a positive tension typical of a deliberative politics, it does not seem that conflicts can be governed, understood in and of themselves, treated in a productive way, or brought to a mediation that is acceptable by all as legitimate.

Bibliographie

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