Définition de l'entrée

Le conseil de développement est un lieu de débat et de propositions citoyennes créé à l’échelle intercommunale. Institué par la loi en 1999, il répondait initialement à la volonté de mobiliser les « forces vives » dans les programmes régionaux et européens de développement en milieu rural et de lutter contre le déficit démocratique dans les agglomérations urbaines (Jouve, 2005).

Pour citer cet article :

Vidal, A. (2023). Conseil de développement. In G. Petit, L. Blondiaux, I. Casillo, J.-M. Fourniau, G. Gourgues, S. Hayat, R. Lefebvre, S. Rui, S. Wojcik, & J. Zetlaoui-Léger (Éds.), Dictionnaire critique et interdisciplinaire de la Participation, DicoPart (2ème édition). GIS Démocratie et Participation.
https://www.dicopart.fr/conseil-de-developpement-2023

Citer

Un cadre juridique souple

La loi du 25 juin 1999 d’orientation pour l’aménagement et le développement durable du territoire, dite loi Voynet, a donné une existence légale au conseil de développement, en s’inspirant des expériences qui existaient déjà au Pays Basque ou au Pays de Puisaye-Forterre. En 2014 et 2015, les lois MAPTAM et NOTRe ont inscrit les conseils de développement dans le code général des collectivités territoriales (art. L. 5741-1-IV pour les PETR, art L. 5211-10-1 pour les intercommunalités hors dispositions spécifiques pour les métropoles transfrontalières, Aix-Marseille Provence et le Grand Paris). Parfois comparés aux Conseils Economiques Sociaux et Environnementaux Régionaux (CESER), instances consultatives à l’échelle régionale, les conseils de développement se distinguent par un encadrement juridique plus souple. Si la loi rend obligatoire la création d’un conseil de développement dans les pôles d’équilibre territoriaux et ruraux (PETR) et les intercommunalités de plus de 50 000 habitants, elle laisse une grande liberté dans la configuration, le mode de désignation et le budget alloué à l’instance. Cette souplesse favorise des expérimentations extrêmement variées (Coordination nationale des conseils de développement, 2010). La plupart des conseils de développement n’ont pas de personnalité juridique propre, quelques conseils se sont constitués sous forme associative.

Des missions diverses pour s’adapter au contexte local

Les conseils de développement peuvent remplir des missions très différentes : contribuer au projet de territoire, aux documents d’urbanisme et de planification ; contribuer à l’animation du débat public en croisant les regards ; repérer, faciliter, mettre en lien les initiatives ; proposer, réaliser, évaluer des actions ; éclairer l’avenir en apportant un regard prospectif et transversal ; capter et faire remonter les attentes et propositions des habitants (Coordination nationale des Conseils de développement, 2023). Chaque conseil de développement s’inscrit dans un contexte particulier qui façonne le fonctionnement de l’instance : climat politique, investissement associatif, situation économique et sociale du territoire, … La souplesse du cadre juridique permet une grande adaptabilité et des évolutions au fil des mandats : changement d’échelle territoriale, nouvelles missions, redéfinition de la composition, …

Les conseils de développement, hétérogènes dans leur mode de fonctionnement, sont confrontés à deux problématiques principales : un positionnement atypique avec une reconnaissance variée et un degré d’ouverture dépendant de l’intercommunalité.

Un positionnement atypique, une reconnaissance variable

Depuis vingt ans, les conseils de développement se caractérisent par un positionnement particulier : ni vraiment institutionnels, ni tout à fait informels. Ce positionnement atypique leur permet de mettre en débat les grands enjeux à l’échelle intercommunale, en créant du dialogue entre acteurs du territoire, habitants, élus et agents des intercommunalités. Ils contribuent à traduire les mécontentements en propositions pour construire des consensus (Faure, 2015). Ils apportent un regard singulier sur les outils opérationnels d’aménagements et d’urbanisme, à partir d’une expertise d’usage et d’une vision prospective (Castel-Biderre et Vitré, 2017).

Pour autant, les conseils de développement bénéficient de degrés de reconnaissance variables. A plusieurs reprises, ils se sont mobilisés pour le maintien de leur existence légale. La Coordination nationale des Conseils de développement a ainsi joué un rôle important dans l’élaboration des lois MAPTAM, NOTRe et Engagement & Citoyenneté, en agissant comme un « lobby » efficace de la démocratie participative territoriale. Très nombreux dans le Grand Ouest Français, leur implantation est plus lente dans les territoires où les rapports politiques et sociaux sont plus tendus (Castel-Biderre et Vitré, 2017). Peu d’intercommunalités s’engagent à répondre aux propositions exprimées par le conseil de développement et en assurer un suivi dans le temps, alors qu’il s’agit d’un élément essentiel de reconnaissance pour les membres bénévoles.

De nombreux conseils de développement témoignent d’un déficit de notoriété de l’instance, qui reste bien souvent inconnue du grand public. Pour développer leur visibilité, les conseils de développement organisent des évènements ouverts aux habitants, communiquent dans la presse quotidienne régionale et les réseaux sociaux ou nouent des partenariats (Coordination nationale des conseils de développement, 2022).

Un degré d’ouverture dépendant de l’intercommunalité

Au début des années 2000, les conseils de développement étaient organisés de manière à assurer une représentation « à la carte » du paysage économique, social, associatif, culturel et sportif. Progressivement, ils se sont ouverts à une participation de citoyens volontaires, engagés à titre personnel. Aujourd’hui, un grand nombre de conseils de développement ont choisi une composition hybride, qui combine acteurs du territoires, experts et citoyens volontaires. Plusieurs modes de désignation sont souvent utilisés : appel à candidature, tirage au sort sur liste électorale, nomination, … L’ensemble des membres de l’instance est bénévole, contrairement aux CESER dont les conseillers bénéficient d’un statut particulier ouvrant droit à des indemnités. Les élus décident de la composition de l’instance par délibération. Dans certains cas, les conseils de développement ont carte blanche pour établir leur composition quand dans d’autres, la composition est verrouillée et l’ensemble des membres sont désignés par le président de l’intercommunalité.

Plusieurs leviers peuvent être actionnés pour ouvrir plus largement le conseil de développement : diversifier la composition pour favoriser l’expression d’une pluralité de points de vue, y compris des personnes les plus éloignées de la sphère publique ; proposer de contribuer ponctuellement à une thématique ; nouer des partenariats avec des universités ou des établissements secondaires pour impliquer les jeunes dans les travaux de l’instance ; animer un forum composé de partenaires repérés pour leurs compétences ou de citoyens volontaires sollicités sur des thématiques particulières.

Défis et limites rencontrés par les conseils de développement

Les conseils de développement restent tributaires de la volonté des élus, qui décident de la mise en place de l’instance, déterminent sa composition et le niveau de moyens humains et financiers à allouer à son fonctionnement. Il n’est pas toujours évident de trouver la juste distance avec l’institution pour cultiver une indépendance de réflexion tout en bénéficiant de moyens alloués par l’intercommunalité (Gourgues, 2017).

Malgré leur inscription dans la loi, les conseils de développement restent peu connus des élus, des agents des intercommunalités et du grand public. Ils font face à un double mouvement qui les invisibilise : la méconnaissance ou critique de l’intercommunalité et la multiplication des dispositifs participatifs. Dans la nébuleuse participative, les conseils de développement peuvent être classés dans la famille autonome, qui regroupe les instances qui organisent leur réflexion et élaborent leurs propositions dans un cadre peu contraint et en toute indépendance, contrairement à la famille descendante qui regroupe des dispositifs souvent encadrés par les services des collectivités et qui reposent sur une logique de question posée sur une thématique (Castel-Biderre et Vitré, 2017).

Dans un contexte où progresse la défiance envers les institutions, les conseils de développement pourraient constituer de véritables partenaires pour réussir les transitions dans les territoires, en capitalisant sur leurs atouts : une capacité à sortir des préoccupations immédiates pour se projeter vers l’avenir ; une faculté de décaler le regard en ouvrant des pistes de réflexion en marge des questions territoriales classiques ; une expertise d’usage plurielle ; une organisation autonome qui permet de produire du débat, de dépasser l’addition ou la synthèse d’opinions pour produire des idées (Castel-Biderre et Vitré, 2017). Depuis 20 ans, les auto-évaluations menées par les conseils de développement mettent en évidence trois types de défis à relever : clarifier les priorités et les missions de l’instance, maintenir la mobilisation des bénévoles dans le temps et déterminer un positionnement politique : ni contre-pouvoir, ni outil au service des élus intercommunaux. Ce positionnement, qui se construit au fil des mandats, repose sur un équilibre entre démocratie représentative et démocratie délibérative et une reconnaissance du rôle des conseils de développement dans la fabrication des décisions publiques (Rousseau, 2022).

Bibliographie

Coordination nationale des Conseils de développement, 2010, Dix ans de Conseil de développement : la société civile en mouvement, Bron, Éditions du Certu.

Jouve B., 2005. « La démocratie en métropoles : gouvernance, participation et citoyenneté », Revue française de science politique, vol. 55, p. 317-337.

Faure Alain. 2015. Conseils de développement Auvergne Rhône-Alpes : du pouvoir et des promesses…. Rencontre régionale des Conseils de développement Auvergne-Rhône-Alpes, Conseil de développement de la Métropole de Grenoble Alpes Métropole. https://shs.hal.science/halshs-01249875/document (accès le 09.01.2023)

Gourgues, Guillaume. 2017. Un conseil de développement métropolitain… Défis à relever et enjeux pour le territoire ? Intervention pour le Conseil de développement de Pays de Montbéliard agglomération. https://fr.calameo.com/pays-de-montbeliard-agglomeration/read/004664286896c816c8cdf (accès le 09.01.2023)

Castel-Biderre Sandrine et Vitré Gabriel. 2017. « Des conseils de développement au cœur de l’intercommunalité ». Colloque : « Quelle gouvernance pour les Intercommunalités XXL », Angers. https://conseils-de-developpement.fr/codev-intercom/ (accès le 9.01.2023)

Rousseau Dominique. 2022. Intervention lors de la rencontre Codev – CESER -CESE. https://conseils-de-developpement.fr/wp-content/uploads/2023/04/actes-rencontre-codev-ceser-cese-7-novembre-2023-lecture.pdf (accès le 30 mai 2022).

Coordination nationale des Conseils de développement, 2022. Compte-rendu de l’atelier « comment développer la visibilité du conseil de développement », https://conseils-de-developpement.fr/wp-content/uploads/2022/06/synthese-atelier-cncd-190522.pdf/ (accès le 12.05.2023)

Coordination nationale des Conseils de développement, 2023. « Enquête sur l’évolution de la participation citoyenne à l’échelle intercommunale et des conseils de développement ». https://conseils-de-developpement.fr/wp-content/uploads/2023/01/enquete-evolution-participation-citoyenne-conseils-de-developpement.pdf (accès le 09.01.2023).

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