Définition de l'entrée

Dispositifs mis en place par des collectivités territoriales, fondés sur une représentation de la population des enfants ou des jeunes du territoire concerné (le plus souvent via des élections) et visant à faire participer ses membres, avec l’aide d’adultes et en relation étroite avec les instances du pouvoir local, aux décisions qui les concernent.Dispositifs mis en place par des collectivités territoriales, fondés sur une représentation de la population des enfants ou des jeunes du territoire concerné (le plus souvent via des élections) et visant à faire participer ses membres, avec l’aide d’adultes et en relation étroite avec les instances du pouvoir local, aux décisions qui les concernent.

Pour citer cet article :

Koebel, M. (2022). Conseil d'enfants et de jeunes. In G. Petit, L. Blondiaux, I. Casillo, J.-M. Fourniau, G. Gourgues, S. Hayat, R. Lefebvre, S. Rui, S. Wojcik, & J. Zetlaoui-Léger (Éds.), Dictionnaire critique et interdisciplinaire de la Participation, DicoPart (2ème édition). GIS Démocratie et Participation.
https://www.dicopart.fr/conseil-d-enfants-et-de-jeunes-2022

Citer

Un conseil d’enfants ou de jeunes est un dispositif initié et dirigé le plus souvent par une collectivité territoriale, en relation ou non avec des partenaires extérieurs (tels que les représentants des établissements scolaires, des associations ou d’autres organismes publics ou privés), qui met en scène – selon des modalités qui le fait ressembler plus ou moins à l’organisation qui l’a mis en place – un groupe d’enfants ou de jeunes résidant sur le territoire concerné et appartenant à une classe d’âge définie au préalable par l’autorité compétente (représentée par le maire et son conseil municipal dans le cas du territoire communal ou d’un quartier, par les autres instances correspondantes s’il s’agit d’un groupement de communes, d’un département ou d’une région, par le préfet pour l’expérience transitoire, inspirée de l’exemple québécois, des conseils départementaux de la jeunesse initiés et gérés par l’État en 1998 pendant une dizaine d’années). Ces enfants ou ces jeunes, dont le mandat est limité dans le temps, sont censés représenter l’ensemble des enfants ou des jeunes de la classe d’âge et du territoire concernés, quel que soit le mode de désignation mis en œuvre, le cas le plus fréquent restant l’élection, sauf dans les communes de moins de 500 habitants où le recrutement des membres se fait plus fréquemment sur la base du volontariat (Tucci, 2021). Le groupe est destiné à être renouvelé, partiellement ou totalement, mais régulièrement dans le temps, sous peine de mise en péril de l’organisation, du fait même que la qualité de membre s’acquière notamment par l’appartenance à une classe d’âge déterminée. Le plus souvent, les membres sont des mineurs (moins de 18 ans), ce choix étant justifié par le fait que, à leur majorité, les jeunes sont censés pouvoir faire partie de l’instance légitime correspondante. Dans certains cas, des jeunes majeurs peuvent faire partie du dispositif ; leur présence est alors justifiée par le déficit de participation habituellement constaté dans cette catégorie de citoyens (et, corrélativement, le déficit de prise en compte des intérêts de cette catégorie). La durée d’appartenance au conseil est limitée dans le temps pour ses membres (généralement entre un et trois ans). Des moyens humains (au travers d’animateurs ou de médiateurs, rémunérés ou non) et financiers (dans la plupart des cas) sont définis par l’autorité compétente afin de permettre aux jeunes membres du conseil, sur le territoire concerné et dans certaines limites et avec divers appuis logistiques, de réaliser des projets, de diffuser des campagnes d’information et/ou de faire des propositions.

Une appellation variable mais signifiante

La dénomination de ces dispositifs est très variable, mais rarement anodine. Il est souvent question en effet de conseils municipaux « des » enfants ou « des » jeunes. Or cela est déjà le signe d’une volonté de rendre d’emblée ces structures représentatives de l’ensemble de l’enfance et/ou de la jeunesse d’un territoire (par exemple, une commune). Cela a pour conséquence de faire croire que n’importe quel enfant ou groupe d’enfants serait l’expression de « la parole de l’enfant », singulière et différente de celle des adultes, un processus similaire à la détermination légale de la maturité civique par un âge identique pour tous (Koebel, 2001). Alors que les représentations enfantines sont le produit complexe de différentes influences, au premier rang desquelles se trouve la famille et ses conditions d’existence. Or cette volonté ne correspond de loin pas à la réalité. C’est pourquoi, dans le cadre de ce dictionnaire critique, il a semblé préférable, de parler des « conseils d’enfants et de jeunes » (l’adjectif municipal semble également trop restrictif, même si c’est le cas le plus fréquemment rencontré).

Un développement historique successif

Sur le plan quantitatif, ces dispositifs se sont développés par vagues (les premiers, relativement peu nombreux et éphémères, dans les années 1960 (Maillard, 1966 ; Divay, 1968), puis régulièrement, avec une forte poussée au début des années 1990 en partie due à la forte médiatisation de l’expérience de Schiltigheim (Jodry, 1987), pour atteindre depuis les années 2010 environ 2 000 structures et peut-être plus encore selon l’Association nationale des conseils d’enfants et de jeunes (cette information a été recueillie en 2022 auprès de la directrice de l’Anacej, M.-P. Pernette). Il faut cependant garder une certaine distance critique avec ce type d’annonces, d’une part du fait de la volonté de l’association de surestimer l’importance du phénomène (ce qui permet de mieux justifier ses demandes de financement et les besoins en formation qu’elle est censée couvrir), en prenant en compte des « projets en cours » comme ce fut le cas par le passé, et d’autre part du fait de la difficulté – au même titre que pour les associations – à mesurer l’ampleur du phénomène d’abandon, même provisoire, d’une structure mise en place par une équipe municipale antérieure. Une étude récente comportant notamment une enquête réalisée en 2018 auprès de l’ensemble des collectivités territoriales françaises a permis d’attester de manière certaine l’existence de 1 454 communes disposant d’au moins un conseil de jeunes (Tucci, 2021) (le taux de réponse de 14 % pour les communes est faible, et, même si l’on peut se douter que les communes disposant d’une telle structure avaient beaucoup plus intérêt à répondre à l’enquête que les autres, le chiffre annoncé sous-estime sans doute le nombre exact de conseils de jeunes en France). Même si les petites communes (entre 2 000 et 5 000 habitants) sont les plus nombreuses, la proportion de conseils de jeunes dans les collectivités est d’autant plus grande que leur taille augmente (Koebel, 1997 ; Tucci, 2021).

Les conseils d’enfants et de jeunes : droit, symbolique, sociologie

Longtemps présentés comme des dispositifs innovants de démocratie participative (Vulbeau et Rossini, 1998 ; Gallet, 1996) dans un cadre plus large d’une « éducation à la citoyenneté à travers une participation active » (Becquet, 2018, 24), les conseils d’enfants et de jeunes, par leur existence et la forme qui leur est imposée, ont pour principal effet de reproduire (et défendre) les principes de la démocratie représentative (souvent à l’insu de ceux qui les ont ainsi définis)  . De même, la « parole de l’enfant » si souvent mise en avant ne correspond que partiellement à la réalité observée : le dispositif reste très contrôlé par l’environnement adulte, d’autant qu’une partie des enjeux sont politiques, mais déniés comme tels (Koebel, 1998).

Sur le plan juridique, le conseil de jeunes s’apparente, dans le cas d’une commune, à une commission extramunicipale composée d’enfants ou de jeunes.

Sur le plan symbolique, le conseil de jeunes s’apparente à la collectivité qui l’a mise en place : elle prend l’apparence du pouvoir légitime.

Sur le plan pédagogique, le conseil de jeunes s’apparente à une activité intermédiaire entre le centre de loisirs, l’activité scolaire et l’activité associative. Mais les spécificités de l’animation dans ce domaine ont donné lieu à la mise en place de formations spécifiques et à un début de professionnalisation de cette fonction (mais cela reste réservé aux plus grandes communes, celles qui ont les moyens de financer des animateurs pour ce type de dispositif).

Les premières études sociologiques sur le devenir des anciens membres de ces structures ont montré que cette expérience ne modifiait pas fondamentalement le degré d’engagement ultérieur des enfants (Fichet , 1989) ou que la plus grande volonté de s’engager repérée chez certains d’entre eux ne parvenait pas à se concrétiser, peut-être du fait d’un certain surencadrement des activités : la revendication récurrente des conseillers enfants sortants est de créer un conseil de jeunes, celle des anciens conseillers jeunes, de créer une associations des anciens jeunes conseillers… Plus rares sont ceux qui poursuivent en se présentant aux élections du conseil municipal. Pourtant, ce qui semble avoir le plus marqué les anciens conseillers est l’expérience d’avoir été élu par ses pairs, un sentiment puissant juste après l’élection (Rossini, 1996). On observe toutefois la présence d’anciens conseillers enfants ou jeunes au sein des équipes municipales adultes plusieurs années après leur première expérience. La plus récente enquête auprès de jeunes conseillères et conseillers montre cependant que leur participation à ce type de dispositif « semble bien constituer un tremplin dans la construction d’un engagement politique ou associatif » (Tucci, 2021). La population des participants « se démarque de la population jeune en général : niveau de formation élevé, parents souvent diplômés du supérieur, engagement participatif précoce, résidant plutôt dans les villes, et faible proportion de jeunes issus des minorités » (Tucci, 2021, 62), avec un constat comparable issu de l’enquête concernant les membres des conseils régionaux de jeunes (Lardeux, 2015).

Sur le plan politique, les villes de gauche ont été proportionnellement les plus nombreuses à mettre en place ce type de dispositifs. Jugeant qu’une teinte politique trop marquée risquait de défavoriser leur développement, les associations promotrices des conseils d’enfants et de jeunes se sont ingéniées à les neutraliser politiquement, soit en niant l’appartenance à gauche de la majorité de leurs promoteurs comme ce fut le cas de l’Association nationale des conseils municipaux d’enfants et de structures assimilées (ANCME), soit en imposant un équilibre gauche/droite dans les instances dirigeantes de leur association – comme ce fut le cas à la convention des villes pour les conseils de jeunes (CVCJ). Ces associations, toutes deux nées en 1987, ont fusionné en 1991 dans une organisation unique, l’Association nationale des conseils d’enfants et de jeunes (ANACEJ) qui existe encore aujourd’hui. Ces tentatives de neutralisation politique dans ces organisations de représentants des collectivités ayant mis en place des conseils d’enfants ou de jeunes semblent faire écho à ce qui se passe à l’intérieur de chacun de ces dispositifs : l’apolitisme revendiqué n’est qu’apparent et correspond à une construction, plus ou moins consciente et volontaire, des discours et des pratiques qui les entourent (Boone, 2013).

Une analyse de 75 acteurs politiques alsaciens a montré que leur rapport à ce type de dispositifs et à l’idée de faire participer les enfants ou les jeunes aux décisions locales est fortement marqué politiquement : on passe de l’extrême droite où les enfants sont censés d’abord obéir, par la droite qui considère l’enfant plutôt comme un futur citoyen qui doit faire son apprentissage, à la gauche et aux écologistes où l’enfant est déjà citoyen à son âge (Koebel, 1997).

D’autres liens entre conception des conseils de jeunes et parcours politique ont été découverts, comme le fait que le principal promoteur du dispositif a tendance à vouloir reproduire le mode de légitimité qui l’a lui-même porté au pouvoir : comme les préfets qui ont dirigé les conseils départementaux de la jeunesse et le ministre qui les a imposés en France, qui détiennent leur pouvoir par nomination, les jeunes membres de ces conseils sont eux aussi nommés ; les élus locaux qui, par définition, ont obtenu leur légitimité par l’élection n’imaginent pas d’autre voie que celle de l’élection pour légitimer leur conseils d’enfants ou de jeunes ; mais, parmi eux, ceux qui ont été guidés vers la politique par une figure politique locale voient également pour les jeunes édiles la nécessité d’une sorte de compagnonnage ; ceux qui ont dû franchir une à une les étapes de la notoriété locale s’insurgent contre ces « députés juniors » qui investissent une fois par an l’Assemblée nationale et qui pour eux « brûlent les étapes » et ne méritent pas de siéger ainsi.

La plupart des élus locaux idéalisent l’engagement des enfants, qui incarnerait pour eux « la politique au sens noble du terme », loin de toutes les batailles politiciennes et la recherche de l’intérêt personnel. Cette « innocence » prêtée aux enfants peut sembler incohérente face à la volonté de ces mêmes élus de croire en leurs capacités citoyennes extraordinaires. En tout cas, très paradoxalement, elle est un outil politique (et notamment électoral) puissant. En effet, s’attaquer à un conseil d’enfants revient à s’attaquer aux enfants ce qui est moralement inacceptable ; cela protège efficacement ces dispositifs – et, avec eux, leurs initiateurs – contre toutes les critiques publiques (Koebel, 2000).

Enfin, il n’est pas inutile de resituer ces dispositifs dans l’évolution du rapport entretenu à la parole de l’enfant. À ce titre, il semble que la sociologie – du moins une partie des sociologues qui se sont intéressés au monde de l’enfance et de la jeunesse – a été conduite, au même titre qu’une partie des acteurs ayant mis en place ces dispositifs de participation politique, à reconsidérer cette parole et à la reconnaître (et l’étudier) pour ce qu’elle est : une parole très diversifiée, des regards particuliers sur le monde, ni plus, ni moins (Boone, 2013).

Bibliographie

BECQUET V., 2018, « Comprendre l’instrumentation des questions de citoyenneté dans les politiques d’éducation et de jeunesse : une typologie des dispositifs d’action publique », Lien social et Politiques, no 80, p. 15–33.

BOONE D., 2013, La politique racontée aux enfants : des apprentissages pris dans des dispositifs entre consensus et conflit : une étude des sentiers de la (dé)politisation des enfants, thèse de doctorat de science politique. Université de Lille, Droit et Santé.

DIVAY G., 1968, Les Jeunes et la vie municipale : l’expérience des « conseils municipaux de jeunes », mémoire de sciences politiques, Institut d’études politiques.

FICHET B. (dir.), 1989, Étude sur la participation au conseil municipal des enfants de la ville de Schiltigheim, réalisée pour la ville de Schiltigheim par le Centre d’études des migrations et des relations interculturelles, Strasbourg, université des sciences humaines de Strasbourg.

GALLET G., 1996, Les Conseils municipaux d’enfants et de jeunes : l’intégration par la participation, diplôme d’études approfondies de science politique, université Paris 2.

JODRY C., 1987, À 13 ans, déjà citoyen ! Le conseil municipal des enfants à Schiltigheim, Paris, Syros.

KOEBEL M., 1997, Le Recours à la jeunesse dans l’espace politique local. Les conseils de jeunes en Alsace, thèse de sociologie, université des sciences humaines de Strasbourg.

KOEBEL M., 1998, « Le conseil de jeunes, outil de revalorisation de la politique », Revue des Sciences Sociales de la France de l’Est, no 25, p. 75-80.

KOEBEL M., 2000, « La politique noble des conseils d’enfants », Lien social et politiques, no 44, p. 125-140.

KOEBEL M., 2001, « À quel âge devient-on citoyen ? », Enfants d'Europe, no 1, p. 11-14.

LARDEUX L., 2015, Dispositifs de participation des jeunes au niveau des conseils régionaux, Rapport d’étude, INJEP.

MAILLARD J-P., 1966, « Le Pari », France-Jeunes, Organe des conseils municipaux de jeunes, no 1.

MILLET F., 1995, La Socialisation politique des enfants (les conseils municipaux d’enfants en Essonne), thèse de sciences de l’éducation, université Paris 7.

ROSSINI N., 1996, Les Répercussions de la participation des jeunes aux conseils, Paris, Association nationale des conseils d’enfants et de jeunes.

ROUYER V. (et al.), 2020, « Construction des rapports au politique et à la citoyenneté des enfants : étude exploratoire d’un Conseil Municipal des Enfants ». Dans V. ROUYER, A. BEAUMATIN, B. FONDEVILLE (dir.), Éducation et citoyenneté (p. 229-249), Paris, De Boeck supérieur.

TUCCI I. (coord.), RECOTILLET I., BERTHET T., BAUSSON S., 2021, Conseils de jeunes et participation : étude auprès des collectivités et de jeunes engagés, avec la collaboration de Bidart C. et Foundi L., INJEP Notes & rapports/Rapport d’étude.

VULBEAU A., ROSSINI N., 1998, Les Conseils municipaux d’enfants et de jeunes : à la recherche d’un dispositif de participation, Paris, Association nationale des conseils d’enfants et de jeunes / Fondation d’action sociale.

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